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L’Europe face à la crise

TRIBUNE DE L’AMBASSADEUR DE FRANCE EN ALLEMAGNE,
M. BERNARD DE MONTFERRAND

Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung a publié le 13 janvier 2009 une tribune de M. Bernard de Montferrand, Ambassadeur de France en Allemagne, sous le titre L’Europe face à la crise :

Il y a moins de deux ans, l’Europe était en panne. Son avenir institutionnel était bloqué. Les opinions se désintéressaient d’une construction éloignée des problèmes concrets et qui ne répondait pas à leurs préoccupations. Au cours des derniers mois, quelque chose s’est passé. Chacun a le sentiment que si l’Union européenne n’avait pas existé, les Européens se seraient beaucoup plus mal trouvés. Sans l’action résolue de l’Europe, la crise de la Géorgie aurait pu dégénérer en guerre ouverte. Sans l’Europe et l’euro, nous aurions assisté à une spéculation monétaire ruineuse et dangereuse. Sans la réaction coordonnée, massive et inventive de l’Europe, le système financier mondial aurait pu s’effondrer dans une crise systématique sans précédent. Sans l’Europe, pas de réunion à Washington et pas de projet rapide de nouvelles règles pour éviter le retour d’une telle crise. Sans l’Europe, pas de plan de relance coordonné pour éviter un ralentissement trop brutal de nos économies… Au cours des derniers mois, nous avons aussi progressé sur des sujets essentiels pour l’avenir de nos sociétés en définissant pour la première fois les principes d’une politique commune de l’asile et de l’immigration. Nous avons aussi trouvé un accord pour lutter contre le réchauffement climatique qui met en place les moyens d’atteindre en 2020 les buts fixés en 2007 sous présidence allemande. Nous avons enfin relancé de façon concrète la politique européenne de sécurité et de défense. Dans tous ces domaines, contrairement à ce que beaucoup ont dit, la France et l’Allemagne ont travaillé la main dans la main.

En 2009, nous allons continuer à être confrontés à de très graves difficultés économiques. Si nous n’arrivons pas à prouver que l’Europe nous donne une force supplémentaire pour y faire face, il y aura à nouveau rejet et désintérêt de la part de nos opinions alors même que se profilent les élections au Parlement européen. Il nous faut donc poursuivre notre mobilisation comme nous l’avons fait avec succès au cours des derniers mois. Il faut pour cela réunir plusieurs conditions :

Un engagement très volontaire des États est nécessaire. L’Europe est plus que l’addition de ses États, mais elle n’est rien sans leur légitimité et leur volonté. Qui peut imaginer que lorsqu’il faut engager des milliards d’euros, les Etats et leurs responsables suprêmes ne jouent pas un rôle décisif ? Cela ne veut en aucun cas dire que la Commission doive rester au second rang. Elle a une place essentielle de proposition. Gardons-nous de la critiquer et d’abonder dans le « commission Bashing » sous prétexte qu’elle serait contre tel ou tel État, car elle est le porte-parole de l’intérêt général. Dans le cas du paquet climat, c’est son texte qui a servi de base à la négociation et malgré les insatisfactions des uns ou des autres, qui a permis d’aboutir à un accord. Une mobilisation des États ne signifie pas non plus une diminution du rôle du Parlement européen, bien au contraire, comme l’ont montré au cours des derniers mois la négociation du paquet climat ou encore les séances de débats auxquels a participé le Président de la République et qui ont fait honneur à la démocratie européenne.

Une approche politique des problèmes européens : le Président de la République française n’a cessé de rappeler que l’Europe avait besoin de faire de la politique au meilleur sens du terme. Cela signifie que nous devons traiter les vrais problèmes sans craindre le débat. Pour prendre l’exemple de la crise actuelle, l’Allemagne et la France n’ont pas la même situation économique et par conséquent la même appréciation sur l’urgence et la nature des mesures à prendre. Débattre de ces différences n’est pas un signal de division ou de refus des réalités économiques mais de recherche d’un consensus. Et dans les derniers mois, nous avons trouvé, après un dialogue intensif, les meilleures solutions communes.

Une action franco-allemande pour entraîner l’Europe à réagir efficacement face à la crise et aux défis de sécurité. Dans les prochains mois, la situation exigera de notre part une meilleure coordination de nos politiques économiques. Comment y procéder d’une façon satisfaisante pour tous et efficace ? Deux exemples, celui de l’industrie automobile d’abord si symbolique et importante en Allemagne comme en France. Peut-on imaginer que chaque pays agisse chacun pour soi d’une manière différente ? La sagesse voudrait que nous ayons une analyse commune et des actions coordonnées pour que cette industrie si essentielle reste pour l’avenir l’un de nos atouts majeurs dans la compétition internationale. L’actualité nous amène également à réfléchir en commun sur la meilleure manière de développer la sécurité et la solidarité énergétiques en Europe. Comment coordonner les efforts nécessaires de chacun pour développer par exemple les capacités de stockage ou les connexions entre les différents réseaux ?

Dans tous ces domaines, l’Allemagne et la France ont vocation à travailler ensemble pour, à travers leur engagement, permettre à l’Europe d’être un levier au service des intérêts de ses citoyens . La France n’a réussi sa présidence qu’avec le soutien de l’Allemagne. L’Europe a besoin que nous poursuivions cet effort commun.