Commentaires n° 5
Chers membres de la Société Franco-Allemande, Chers amis,
L’Allemagne prend la présidence du Conseil européen pour 6 mois à partir du 1er juillet sous le titre « Tous ensemble pour relancer l’Europe », et doit être le sacre du gouvernement Merkel… Pour cela il faudra que l’UE connaisse une nouvelle orientation écologique et digitale par le truchement du cadre financier pluriannuel 2021-2027, que le fonds de relance soit mis en œuvre et que l’UE se dote d’une nouvelle politique Nord-Sud dans la foulée du sommet UE-Afrique du mois d’Octobre. La France suivra -à petite distance- en janvier 2022 pour veiller au grain. Calendrier politique idéal pour mener l’initiative franco-allemande à bon terme !
Dans l’immédiat, l’Europe déconfine et attend septembre avec la crainte d’une seconde vague et d’un envol du chômage. La relative stabilité des nouveaux cas et des décès dûs au Covid 19 (à l’exception notable des États-Unis) ont justifié le déconfinement. Depuis lors, de nouveaux foyers d’infection sont apparus, mais restent contrôlés géographiquement, pour l’instant en tout cas.
France | Allemagne | États-Unis | Italie | Espagne | |
Nombre de cas au 30 mai | 186.924 | 183.025 | 1.747.087 | 232.248 | 238.564 |
30 juin | 201.522 | 195.042 | 2.590.582 | 240.436 | 248.970 |
Guérisons 30 mai | 67.921 | 164.245 | 406.446 | 152.844 | 150.376 |
30 juin | 76.124 | 177.700 | 705.203 | 189.196 | 150.376 |
Décès30 juin | 29.816 | 8.976 | 126.141 | 34.744 | 28.346 |
Par 100.000 habitants | 44,46 | 10,81 | 38,45 | 57,48 | 60,66 |
Nombre de tests par million d’hab | 21.213 | 64.603 | 100.271 | 88.351 | 110.425 |
Sources : Johns Hopkins Corona Resource Center (30 mai et 30 juin 2020) ; Tests : Statista 30 juin
L’impact du Covid 19 sur nos économies est considérable et creuse les écarts entre le nord et le sud de l’Europe : l’OCDE table sur une récession en Allemagne de 6,6 % en 2020 et un redressement de +5,8 % en 2021 ; avec 14,1 %, la récession serait bien plus sévère en France, suivie d’un rebond légèrement plus fort en 2021 (7,7 %) …sous réserve de l’absence de seconde vague !
A l’approche de la rentrée, les États craignent l’envol des faillites (selon la Coface, +20 % en France, + 12 % en Allemagne) et du chômage avec l’arrivée d’une nouvelle classe d’âge sur le marché du travail et la sortie du chômage partiel (plus de 10 millions en Allemagne et 6,6 millions en France). De nombreux secteurs -comme le tourisme, la gastronomie, le spectacle, l’aéronautique, l’automobile… doivent réduire leurs coûts y compris de personnel.
Plus rapidement que lors de la crise de 2008, l’Allemagne et la France ont lancé leurs programmes de relance nationaux afin de permettre une reprise en « V » après un second trimestre catastrophique.
La puissance économique et financière se traduit dans le volume des programmes de relance nationaux, et creuse lui aussi l’écart nord-Sud. Ainsi l’Institut Brueghel estime le programme allemand à 450 de mesures fiscales (soit 13 % du PIB allemand), alors que le programme français se « limite » au tiers, soit à 100 milliards (environ 4 % du PIB) : la lutte contre le chômage et les mesures de soutien aux PME sont au cœur des dispositifs. Il en va de même de la revalorisation salariale du personnel soignant : 6 milliards en France comme en Allemagne. Les deux misent enfin sur une modernisation du parc automobile.
Contrairement à la France, l’Allemagne a décidé de réduire la TVA pour un coût de 20 milliards, et alloue une prime exceptionnelle de 300 euros par enfant ; la demande doit être soutenue, et le taux d’endettement des entreprises préservé. Contrainte budgétaire faisant loi, la France mise davantage sur les prêts garantis par l’État : début juin, les banques françaises avaient accordé 93 milliards d’euros de prêts garantis par l’État depuis le début de la pandémie : 3,5 fois plus que les banques allemandes (28 milliards), quatre fois plus que les banques italiennes (22,4 milliards).
En même temps, l’objectif d’une économie plus durable est clairement formulé dans le pacte de croissance européen. Emmanuel Macron a reçu les 150 citoyens, tirés au sort, qui constituent la Convention citoyenne pour le climat. Leurs 150 propositions vont de l’inscription de la protection de l’environnement dans la Constitution à la pénalisation de l’”écocrime”. La transition vers une circulation plus propre doit être assurée par l’encouragement du transport ferroviaire (en baissant la TVA, un malus pour les voitures les plus polluantes, un bonus pour les plus propres). La rénovation énergétique globale des bâtiments doit être rendue obligatoire, l’artificialisation des terres doit être freinée. Seules les propositions de limiter la vitesse sur les autoroutes à 110 km/h et la taxation supplémentaire des dividendes n’ont pas été retenues, car défavorables aux investissements, étrangers notamment.
Le Covid 19 est responsable d’élections municipales décousues, le second tour du 28 juin ayant lieu plus de trois après le premier. Cinq tendances de fond se dégagent :
- Le système politique est loin d’avoir trouvé un nouvel équilibre : 60 % d’abstentions et la forte progression des Verts reflètent la volatilité politique persistante, et dangereuse si elle profitait aux extrêmes : les partis traditionnels ne recueillent pas plus de 30 % des voix et laissent le champ libre à tout nouveau venu, convaincant dans l’immédiat : Emmanuel Macron hier, les Verts aujourd’hui.
- Dans ce contexte, les fortes personnalités locales ont été réélues sans problème, peu importe leur couleur politique, comme l’illustre la réélection des candidats Les Républicains dans les villes de taille moyenne : 50 % des Maires de communes de plus de 9000 habitants, alors que les Républicains n’ont obtenu que 8,5 % des votes lors des dernières élections européennes. Il en va de même des réélections d’Anne Hidalgo à Paris, de Jean-Louis Moudenc à Toulouse ou d’Edouard Philippe au Havre, avec plus de 58 %.
- La forte progression d’Europe Écologie Les Verts qui emporte les Mairies de Lyon, Bordeaux, Strasbourg, mais aussi à Tours, Besançon, Annecy et Poitiers, grâce aux alliances-locales avec le parti socialiste : Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, s’est même dit prêt à se ranger derrière un candidat écologiste pour la présidentielle de 2022.
- La République En Marche (LREM) compte désormais plus de 400 Maires et près de 10.000 conseillers municipaux (sur un total de plus de 500.000), mais ne gagne aucune grande ville et ne parvient pas à gagner les quelques 35.000 Maires à sa cause.
- Belle percée des femmes, avec les réélections d’Anne Hidalgo à Paris face à deux autres femmes, issues par ailleurs comme elle de l’immigration (le père d’Agnès Buszyn a fuit la Pologne pour rejoindre Israël, puis la France en 1956, les parents de Rachida Dati viennent du Maroc et d’Algérie, Anne Hidalgo a quitté l’Espagne avec ses parents en 1961). Le duel de femmes à Marseille oppose la socialiste Michèle Rubirola à Martine Vassal des Républicains et ne sera tranché que par l’élection du Maire par le Conseil municipal le 4 juillet, du fait de l’égalité du nombre de conseillers. Enfin, Martine Aubry est réélue d’extrême justesse à Lille (avec 227 voix d’avance seulement).
Je vous souhaite de bonnes vacances, en espérant que la liberté de mouvement, enfin retrouvée, ne nous fasse pas oublier la nécessaire distanciation sociale, seule recette pour éviter, ou tout au moins endiguer la seconde vague !
Christophe Braouet